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Mardi 14 décembre, 18h-19h15 : 

François Rastier 
Directeur de recherche (ER-TIM INaLCO et CNRS)

La reconstruction et ses perspectives.
Nées avec les Lumières, les sciences de la culture étudient les diversités humaines et concilient le cosmopolitisme avec la description des particularités.
Attaquées par des courants ésotériques, réprimées par les totalitarismes, elles furent récusées par les penseurs de la déconstruction. 
Cependant leur projet n’a aucunement démérité, leurs méthodes et leurs instruments se sont affinés, leurs corpus s’étendent et se diversifient. Pour limiter leur dispersion et approfondir leur épistémologie, il importe de renouer avec leurs textes fondateurs pour en préciser la portée aujourd’hui.

Mardi 11 janvier 2022, 18h-19h15 :

Anne-Marie Chabrolle-Cerretini 
Professeure, Université de Lorraine  

Wilhelm von Humboldt : hier, mais surtout aujourd’hui 

Extraits à propos du projet anthropologique de Wilhelm von Humboldt. 
La recherche du caractère national.
Les textes qui réfèrent directement à ce sujet sont écrits entre 1796 et 1798.
Le dix-huitième siècle, Plan d’une anthropologie comparée. Idées sur les constitutions, Essai sur les limites de l’État
Les lois de la croissance des forces humaines.

1)« Le caractère de classes d’hommes dans leur totalité, mais elle s’attache tout particulièrement au caractère des nations et des époques. »
Plan d’une anthropologie comparée, traduit par C. Losfeld, 1995, p. 170 (GS I, p. 384).

2)[…]les mouvements de l’âme humaine, c’est-à-dire ses pensées, ses sensations, ses penchants et ses
décisions, la façon dont ils se produisent, leur succession et les liaisons qu’ils font surgir, voilà en quoi consiste un caractère. Un caractère est le mouvement et le rapport de ses forces perçues en même temps et comme une totalité.
Le dix-huitième siècle, traduit par C. Losfeld, 1995, p. 107 (GS II, p. 69).

3)« Le terme «caractère» est, dans son acception courante, rapporté presque exclusivement aux mœurs et aux dispositions d’esprit d’un homme, et on le considère comme un critère pour juger de sa moralité. si on l’étend à la nature de l’esprit et du goût, on lui adjoint généralement les épithètes «intellectuel» et
«esthétique». Dans une autre acception, on emploie le mot «caractère» pour désigner une persévérance remarquable dans la manière de penser ou d’agir. « Avoir du caractère » signifie alors : demeurer fidèle à son caractère. en ce sens, peu nombreux sont ceux à qui l’on reconnaît un caractère. Néanmoins, aucune de ces deux significations ne convient à une théorie philosophique de la connaissance de l’homme, dont nous traçons ici les lignes fondatrices. Cette théorie comprend, en effet, sous le nom de caractère,
l’ensemble de toutes les propriétés qui, certes, distinguent l’homme en tant qu’être physique, intellectuel ou moral, mais surtout distinguent les hommes entre eux. On ne peut penser l’homme sans penser en même temps tous les traits qui lui appartiennent, et ces traits sont épars dans la nature tout entière. On ne peut donc déclarer qu’un sujet est tout à fait dénué de caractère, ou se limiter à une seule de ses propriétés. »

Le dix-huitième siècle, traduit par C. Losfeld, 1995, p. 91 (GS II, p. 55).

4)Lettre du 2 février 1796 adressée à Schiller:
« Il faudrait dégager de l’histoire un tableau qui mettrait en lumière les résultats auxquels le genre humain est parvenu par le travail de tous les siècles et de toutes les nations. On obtiendrait ainsi une image qui devrait être à deux dimensions et qui exposerait d’un côté à quel degré intensif de force et de grandeur l’esprit et le
caractère de l’homme se sont peu à peu élevés et d’un autre côté la multiplicité extensive des activités que l’humanité a déployées tant sur le plan des sciences que sur celui de la littérature, des mœurs, de la civilisation, des systèmes de gouvernement, du commerce et des techniques. Cela permettrait d’abstraire de l’évolution historique quelques lois, par l’application desquelles on pourrait dans une certaine mesure éliminer le hasard et créer pour tous les hommes des possibilités de bonheur et de culture.» Cité par R. Leroux, L’anthropologie comparée de Guillaume de Humboldt, 1958,p.13.

5) lettre du 22 octobre 1796 à Friedrich August Wolf :
«[…]confronter les différences d’organisation spirituelle des différentes classes d’hommes et d’individus»,
Essai sur les langues du Nouveau Continent.1812. Seul texte écrit en français. [Aller à la page 300].

Mardi 8 février, 18h-19h15 : 

Pierre-Yves Testenoire
MCF en Sciences du LangageSorbonne Université – Inspe de Paris
Ferdinand de Saussure : « Le lien qu’on établit entre les choses préexiste aux choses elles-mêmes et sert à les déterminer »
La réflexion théorique de Ferdinand de Saussure (1857-1913) se développe à partir d’un diagnostic : celui des lacunes épistémologiques de la linguistique historique et comparée telle qu’elle se pratique à la fin du XIXe siècle. En réaction au positivisme ambiant, son objectif est de « montrer au linguiste ce qu’il fait ».
L’exposé présentera certains des enjeux de la réflexion théorique de Saussure et sa portée pour les sciences humaines et sociales. Après avoir expliqué comment le corpus de textes saussuriens s’est constitué jusqu’à aujourd’hui, on se concentrera sur une notion cardinale de la pensée de Saussure : le point de vue. La notion de point de vue est ce qui fonde, chez lui, l’objet de connaissance. Elle est à la base de sa conception différentielle de la langue comme système.

Mardi 8 mars, 18h-19h15 :

Jean Lassègue 
École des Hautes Études en Sciences Sociales | EHESS · Institut Marcel Mauss

Ernst Cassirer
On pourrait décrire Ernst Cassirer (1874-1945) par quatre traits : épistémologue, républicain, allemand et juif. Ces quatre traits définissent son destin intellectuel car il vécut à une époque où le nazisme s’évertua à les rendre incompatibles en Allemagne comme dans le reste de l’Europe. Son œuvre, monumentale malgré l’exil qui le frappa à partir de 1933, parvient à faire l’économie de certaines catégories épistémologiques héritées du 19ème siècle (opposition entre la nécessité de la science et la contingence de l’histoire, entre l’universalité des concepts et la particularité des phénomènes par exemple) pour se focaliser sur les différents modes de constitution et d’institution du sens. De ce point de vue, il a rompu avec une conception fixiste des catégories du savoir et s’est situé au plus près de ce qui fait son renouvellement permanent. Il a, ce faisant, renouvelé la notion même de ce qu’il faut entendre par culture.

Mardi 12 avril, 18h-19h15 : 

Chloé Laplantine
Chargée de recherches / Laboratoire Histoire des Théories linguistiques / CNRS, Université Paris Cité et Sorbonne Nouvelle

Franz Boas

Franz Boas, une théorie du point de vue pour repenser la linguistique et l’anthropologie

Parlant de théorie du point de vue, on pensera peut-être en premier à l’œuvre de F. de Saussure avant de penser à celle F. Boas. On pensera par exemple à la formulation reprise sous différentes formes, « le point de vue CREE l’objet », dont la visée est d’amener le linguiste à interroger son regard, son activité, et finalement son propre discours.Lorsque Franz Boas définit à la fin de son introduction du Handbook of American Indian Languages son projet de renouvellement dans l’approche des langues, c’est un projet de décentrement du regard qu’il énonce, la découverte du « point de vue indien » :

« En accord avec les conceptions exposées dans les chapitres de cette introduction, la méthode de traitement a partout été une méthode analytique. Aucune tentative n’a été faite de comparer les formes des grammaires indiennes avec les grammaires de l’anglais, du latin, ou même entre elles ; mais dans chaque cas les groupements psychologiques qui sont proposés dépendent entièrement de la forme intérieure de chaque langue. En d’autres termes, la grammaire a été traitée comme si un Indien intelligent était en train de développer les formes de ses propres pensées par une analyse de sa propre forme de discours. » (Traduction de Boas 1911: 81)

La forme des grammaires présentées par Boas défait l’ordre et le mode d’analyse des grammaires traditionnelles. Là où on avait une table des matières qui abordait successivement le nom, le verbe, etc., on découvre un modèle tout différent qui cherche à s’ajuster à une réalité psychologique de la langue, ce qui n’est pas sans annoncer les prolongements qu’Edward Sapir donnera à cette conception.
Nous tâcherons de montrer au-delà du projet des grammaires analytiques produites sous l’impulsion et la direction de Boas, que la pensée du point de vue est au travail autant dans sa démarche humaniste, que dans ses travaux en anthropologie, en muséographie, dans sa réflexion artistique, ou encore dans ses recueils de textes autochtones.
Bibliographie


Boas, Franz. 1911. “Introduction”. Handbook of American Indian Languages. Bureau of American Ethnology. Bulletin 40. Washington: Government Printing Office. 1-83.

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Mardi 10 mai 2022, 18h-19h15 : 

Jean-Michel Fortis : 
(Université Paris-Diderot)

Edward Sapir

Après le curriculum vitae de Sapir (1884-1939), cet exposé se propose d’introduire à ses conceptions générales en matière linguistique, non sans faire quelques incursions ailleurs. La perspective choisie coïncide avec l’annonce programmatique du séminaire : « la restitution des conditions de genèse, de déchiffrement et d’interprétation des œuvres non seulement du passé mais du présent ». En d’autres mots, on s’efforce autant que possible de comprendre l’environnement culturel de Sapir et ses inspirations et d’esquisser par contraste ce qui fait son originalité. La tâche est vaste car les intérêts de Sapir couvrent un champ immense : en dehors de la linguistique générale et amérindienne et de l’anthropologie, il faut mentionner la psychologie (en particulier la Gestalttheorie) et la psychanalyse, l’esthétique, la musique et la littérature. Un lieu nodal de l’œuvre, qui tient à tous ces centres d’intérêt, est la conception esthétique que se fait Sapir de l’appréhension et de la construction des formes structurées (ou patterns) linguistiques et, plus généralement, culturelles. Cette conception est à situer en particulier dans le contexte de l’esthétique de l’époque, notamment la tendance formaliste. Enfin, Sapir étant peut-être principalement connu aujourd’hui pour l’hypothèse dite « de Sapir-Whorf », il semble opportun de dire deux mots de cette « hypothèse » en revenant à cet auteur bicéphale parfois fantasmé. 

Jean-Michel Fortis,Université de Paris & Université Sorbonne Nouvelle, CNRS, Laboratoire d’histoire des théories linguistiques.

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Mardi 8 novembre 2022, 18h-19h15 : 

Emmanuel Désveaux
(Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales EHESS)

Claude Lévi-Strauss

Pour télécharger le document complet : https://drive.google.com/file/d/1Ox9ra_o9nSDVl8cmAQ1kHhjEV363qvM4/view?usp=drive_web

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Mardi 13 décembre 2022, 18h-19h15 :

Giuseppe D’Ottavi
Chercheur associé à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM CNRS/ENS)

Émile Benveniste

Émile Benveniste reconsidéré

Les récits de la réception de l’œuvre d’Émile Benveniste (1902-1976) mentionnent tous l’importance capitale de ses travaux sur les langues anciennes pour s’arrêter fatalement sur ses travaux généralistes, notamment ceux comportant l’élaboration d’une notion inédite de subjectivité et illustrant la manière par laquelle l’univers du langage en rend compte.

L’atelier de lecture que nous proposons se veut une tentative de contrebalancer la considération actuellement dominante de l’œuvre benvenistienne en proposant une immersion dans le domaine d’élection qui fut le sien : la linguistique historique et comparée des langues indo-européennes. Notre but majeur est de laisser émerger la méthodologie propre de Benveniste par rapport aux études contemporaines dans ce champs particulier. Ensuite, on verra si et dans quelle mesure une telle attitude méthodologique peut se retrouver dans ses travaux aujourd’hui plus fréquentés.

Comme point d’entrée, nous prendrons en compte la théorie des laryngales, nœud classique des études sur l’indo-européen reconstitué et théorie au développement de laquelle Benveniste – à travers une modélisation de la composante morphologique radicale – a donné une contribution majeure.

L’essentiel de la théorie des laryngales vise la reconstitution du vocalisme i.e. à travers une suite des modifications contextuelles déclenchées par une unique classe d’entités (dites « laryngales »). L’opposition de quantité vocalique des langues historiques est ainsi reformulée en termes d’opposition qualitative régie par un principe de réactivité syntagmatique.

Dans un article célèbre, Oswald Szemerényi (1913-1996) qualifie la théorie de la racine mise au point par Benveniste (1935) de « synthèse extrêmement élégante » (BSL 68 [1973], p. 19). Si on renonce à considérer la connotation d’« élégance » comme signe générique d’appréciation, il reste l’espace pour s’interroger sur le fonctionnement d’une composante esthétique dans sa méthodologie de recherche.

À la suite de la découverte saussurienne (toute racine i.e. contient un e dans sa forme de base), le modèle de Benveniste (toute racine i.e. est décrite par la chaîne ) s’oppose, par exemple, à la formulation de Karl Brugmann (1849-1919), qui met en place pas moins que sept types possibles pour cette même entité (Kurze vergleichende Grammatik [1904], § 367), ou à l’avis d’André Martinet (1908-1999), selon lequel on ne pourra jamais savoir « combien de laryngales » il faut reconstruire (Word 9 [1953], § 29).

Le caractère opératoire de la démarche benvenistienne ne cache pas ce qui nous semble l’une des caractéristiques les plus attirantes de son approche de la grammaire historique et comparée : la recherche des principes d’organisation de la langue s’explique et se déploie sous l’aspect de la beauté géométrique de la symétrie. Nous tâcherons de montrer que sous le regard de Benveniste l’entreprise de la reconstitution indo-européenne se joue sur une dimension transcendantale, en comportant un geste très particulier de formalisation des données linguistiques. Nous prendrons le risque d’argumenter que cette aptitude, répondant à des soucis d’harmonie et simplicité, et qui se laisse configurer en effet comme une esthétique, inspire aussi les hypothèses qui sont à la base des systèmes de reconstitution des représentations symboliques à l’œuvre dans ses travaux ultérieurs.



Giuseppe D’Ottavi est chercheur associé à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM CNRS/ENS). Linguiste indo-européaniste de formation et historien des sciences du langage par vocation, ses recherches portent sur la (dé)structuration de la frontière entre la linguistique historique et comparée des langues indo-européennes et la linguistique générale. Il s’est occupé de Ferdinand de Saussure (« Matériaux pour l’étude de De l’emploi du génitif absolu en Sanscrit de F. de Saussure (1881) » [2018], « Saussure l’indianiste » [2018]), Roman Jakobson (dont il a édité la correspondance avec Eli Fischer-Jørgensen, 1949-1982 [2020]), Émile Benveniste (il a édité, avec Irène Fenoglio, le recueil Émile Benveniste 50 ans après les Problèmes de Linguistique générale [2019]). Il travaille actuellement à un projet de réédition, sous forme de nouvelle version revue et augmentée, du Lexique d’É. Benveniste, publié par Jean-Claude Coquet et Marc Derycke entre 1971 et 1972. Récemment, il a organisé une journée d’études consacrée au centenaire de la parution du Recueil des publications scientifiques de Ferdinand de Saussure ; il est membre du Comité du Cercle Ferdinand de Saussure et de la Società di linguistica italiana.

Mardi 17 janvier de 18h à 19h15

Muriel van Vliet

Université Rennes I et Rennes II

Erwin Panofsky, de l’histoire de l’art à l’iconologie.

Erwin Panofsky (1892-1968) historien de l’art d’origine allemande, soutient sa thèse de doctorat sur Albrecht Dürer en 1914. Il travaille à l’Institut Warburg, fondé en 1921 par Aby Warburg, et contribue à sa reconnaissance internationale. À l’Institut Warburg, il fréquente le philosophe Ernst Cassirer. En 1933, il doit émigrer aux États-Unis, enseigne à l’université de New York puis à l’université de Princeton. Panofsky reste le plus éminent représentant de l’iconologie. En explorant les rapports entre les images et les sources écrites, en articulant histoire des formes et analyses monographiques, l’iconologie de Panofsky n’est pas seulement une illustration de la sémiotique structurale : elle apporte une contribution majeure à la théorie de l’art et confirme son rôle central dans les sciences de la culture.

Normalienne agrégée et docteure de philosophie, Muriel van Vliet est professeure de philosophie en classes préparatoires littéraires et scientifiques à Saint-Brieuc, chargée de cours aux Universités de Rennes I et II en esthétique et anthropologie de l’art.

Mardi 14 février, 18h-19h15

Gilbert Simondon : de la technologie à l’écologie

Résumé

La réflexion de Gilbert Simondon sur la technique et son évolution est principalement connue à travers sa thèse complémentaire publiée pour la première fois en 1958. La précision des concepts « mécanologiques » comme la qualité de l’information technologique furent immédiatement relevées même si la difficulté à s’emparer d’une pensée aussi richement structurée en connaissance ne favorisa pas la réception de l’oeuvre auprès de ses collègues. L’une des lignes de force méthodologique de l’ouvrage était la nécessité de comprendre les objets techniques à partir de leur « genèse », c’est-à-dire l’invention de l’opération interne qu’ils réalisent. Ce primat du fonctionnement sur la fonction de l’objet implique alors à toujours analyser l’objet en relation avec le « milieu associé » qui rend possible la réalisation de l’opération (et est parfois lui-même créé et entretenu par cette opération). Le progrès de l’évolution technique, appelé « concrétisation » par Simondon, consiste alors en une évolution (par réinventions ponctuelles) vers l’autocorrélation de l’objet et son autorégulation, qui lui attribue une plus grande autonomie par rapport aux variations du milieu associé. Uniquement défini par les conditions physiques de l’existence de l’objet technique, mais prélevé sur l’environnement naturel, ce milieu associé semble ainsi marqué la clôture du progrès technique par rapport à la dimension écologique de l’activité technique humaine. En reconsidérant l’exemple paradigmatique d’invention donné par Simondon (la turbine Guimbal) et en tirant parti des textes « technologiques » ultérieurs, publiés de la fin des années 1960 au début des années 1980; nous montrerons qu’il n’en est rien et que Simondon développe au contraire les bases théoriques d’une pensée « éco-technologique » qui éclairent notamment les enjeux liés aux échelles spatio-temporelles et de la rétroaction (urgente) de la prise en compte des conséquences à grande échelle de nos activités techniques.

Vincent Bontems, philosophe des sciences et des techniques, directeur de recherche au CEA, codirecteur du master MTI à l’INSTN, directeur de la collection l’Âne d’or aux Belles Lettres. Spécialiste de Gaston Bachelard et Gilbert Simondon, il a écrit ou dirigé plusieurs consacrés à ces philosophes ainsi que Les Idées noires de la physique en collaboration avec Roland Lehoucq, et publie prochainement Au Nom de l’Innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle.

Mardi 14 mars, de 18h à 19h15 :

Nunzio La Fauci

Roman Jakobson et la sémiotique

« J’ai rencontré dans ma vie quelques grands hommes. Mais, si je devais désigner celui d’entre eux auquel l’épithète s’applique de la façon la plus indiscutable, ce serait, sans hésiter, Roman Jakobson ». C’est le début de la déclaration que Claude Lévi-Strauss a écrit un an après la mort du grand philologue russe. La déclaration fut publiée dans A Tribute to Roman Jakobson, un volume d’hommage à la mémoire de Jakobson : parmi les contributeurs, Noam Chomsky, Morris Halle, Isaiah Berlin, Dell Hymes, Calvert.

Personne ne pourrait se dire en désaccord avec Lévi-Strauss et le séminaire jette un rapide coup d’œil sur le parcours humain et intellectuel d’une personnalité extraordinaire, qui a laissé des traces de son passage et de sa génialité dans plusieurs disciplines, bien au-delà des sciences dites humaines. « Linguista sum, linguistici nihil a me alienum puto », Jakobson avait ainsi décrit son attitude et son engagement scientifique et, dirait-on, moral.

Assis sur les épaules d’un géant, le conférencier se demande toutefois si, au-delà des justes célébrations, il n’y a pas quelque chose à dire et à considérer de manière critique au sujet des démarches que Jakobson, linguiste par antonomase, comme il le proclamait de lui- même, a faites pour amener linguistique et sémiologie dans l’état où elles se sont trouvées à sa mort.

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Ouvrage recommandé : Lo sviluppo della semiotica e altri saggi. Roman Jakobson, Bompiani, 2022. Préface de Umberto Eco, postface de Nunzio La Fauci.

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Bio-bibliographie. — Nunzio La Fauci est sicilien et a fait ses études de lettres classiques et linguistique à Palerme et de linguistique à Pise dans les années soixante-dix. Il est ensuite parti faire de la recherche

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en France, au Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique du CNRS et de l’Université Paris 7, à Jussieu. Dans la première moitié des années quatre-vingts, il a été « Ricercatore » à l’Université de Palerme.
Devenu professeur, il a enseigné en Italie, à l’Université de la Calabre, pendant une très courte période, et à l’Université de Palerme, pendant une dizaine d’années. Puis, pendant vingt ans, il a été professeur en Suisse, à Zurich. De l’université de cette ville, il est maintenant professeur émérite. De retour en Sicile, cédant au vice absurde contracté dans sa jeunesse d’être inondé par la lumière et, par conséquent, d’être déchargé de la lourde tâche de la chercher, il enseigne la linguistique à Palerme depuis cinq ans, mais il est désormais proche d’une seconde retraite. Ce semestre est son dernier semestre d’enseignement.

Ses champs de recherche concernent la morphosyntaxe diachronique du latin et des langues romanes, la syntaxe théorique et descriptive, l’histoire des idées linguistiques, la langue littéraire. Il est l’auteur d’un certain nombre de publications scientifiques. Parmi ses ouvrages, Costruzioni con verbo operatore in testi italiani antichi. Esplorazioni sintattiche (1979), Oggetti e soggetti nella formazione della morfosintassi romanza (1988), Lucia, Marcovaldo e altri soggetti pericolosi (2000, en collaboration avec I. M. Mirto), Fare. Elementi di sintassi (2003), Compendio di sintassi italiana (2009), Relazioni e differenze. Questioni di linguistica razionale (2010, en collaboration avec Carol G. Rosen), Ragionare di grammatica. Un avviamento amichevole (2017), Cinema e parole (2022) et, en avril prochain en librairie, Fare nomi.

Il aime écrire des aphorismes et éditer un blog sous le nom d’Apollonio Discolo :

https://apolloniodiscolo.blogspot.com/