Mardi 14 février, 18h-19h15
Gilbert Simondon : de la technologie à l’écologie
Résumé
La réflexion de Gilbert Simondon sur la technique et son évolution est principalement connue à travers sa thèse complémentaire publiée pour la première fois en 1958. La précision des concepts « mécanologiques » comme la qualité de l’information technologique furent immédiatement relevées même si la difficulté à s’emparer d’une pensée aussi richement structurée en connaissance ne favorisa pas la réception de l’oeuvre auprès de ses collègues. L’une des lignes de force méthodologique de l’ouvrage était la nécessité de comprendre les objets techniques à partir de leur « genèse », c’est-à-dire l’invention de l’opération interne qu’ils réalisent. Ce primat du fonctionnement sur la fonction de l’objet implique alors à toujours analyser l’objet en relation avec le « milieu associé » qui rend possible la réalisation de l’opération (et est parfois lui-même créé et entretenu par cette opération). Le progrès de l’évolution technique, appelé « concrétisation » par Simondon, consiste alors en une évolution (par réinventions ponctuelles) vers l’autocorrélation de l’objet et son autorégulation, qui lui attribue une plus grande autonomie par rapport aux variations du milieu associé. Uniquement défini par les conditions physiques de l’existence de l’objet technique, mais prélevé sur l’environnement naturel, ce milieu associé semble ainsi marqué la clôture du progrès technique par rapport à la dimension écologique de l’activité technique humaine. En reconsidérant l’exemple paradigmatique d’invention donné par Simondon (la turbine Guimbal) et en tirant parti des textes « technologiques » ultérieurs, publiés de la fin des années 1960 au début des années 1980; nous montrerons qu’il n’en est rien et que Simondon développe au contraire les bases théoriques d’une pensée « éco-technologique » qui éclairent notamment les enjeux liés aux échelles spatio-temporelles et de la rétroaction (urgente) de la prise en compte des conséquences à grande échelle de nos activités techniques.
Vincent Bontems, philosophe des sciences et des techniques, directeur de recherche au CEA, codirecteur du master MTI à l’INSTN, directeur de la collection l’Âne d’or aux Belles Lettres. Spécialiste de Gaston Bachelard et Gilbert Simondon, il a écrit ou dirigé plusieurs consacrés à ces philosophes ainsi que Les Idées noires de la physique en collaboration avec Roland Lehoucq, et publie prochainement Au Nom de l’Innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle.